Attention, chef-d'oeuvre !

Cette version de l'histoire immortelle d'Anthony Hope a beau avoir été éclipsée par le Technicolor flamboyant de celle de Richard Thorpe de 1952, elle présente tout de même la distribution la plus parfaite que film d'aventures ait jamais eu : Colman incarne un double rôle, celui de Rudolph Rassendyll et du Roi Rodolphe V de Ruritanie, cousins qui ignoraient jusqu'à leur rencontre leur existence mutuelle et leur extraordinaire ressemblance, Raymond Massey est le demi-frère ambitieux, Michel Le Noir, il suinte la cruauté par chacun de ses pores, Douglas Fairbanks Junior est un Rupert de Hentzau prodigieux, il bat James Mason, à mon avis, et ce n'est pas peu dire, deux générations de gentilshommes anglais incarnent le Colonel Sapt et Fritz Von Tarlenheim, j'ai nommé C.Aubrey Smith et David Niven. Côté féminin, l'amoureuse désespérée et prête à tout Antoinette de Mauban est personnifiée par Mary Astor et la pure Princesse Flavia, résignée à un mariage d'État mais qui va tomber amoureuse d'un homme qu'elle méprisait jusqu'alors, et sans comprendre qu'il s'agit de son sosie, est sublimée par cette quintessence de la féminité anglaise (on ne rit pas), Madeleine Carroll. 

Je ne vous ferai pas l'affront de vous dévoiler le scénario, soit vous avez lu le roman et je ne peux que vous recommander sa suite, "Au Service de la Reine", pour connaître le destin ultérieur de nos héros, soit vous ne l'avez pas encore lu, et c'est un crime qui exige réparation, prenez le film mais courez acheter le roman...

La production est une des plus somptueuses de l'Âge d'Or, on sent la patte d'un grand producteur, David O'Selznick, qui, deux ans avant "Autant en Emporte le Vent", s'exerce à l'art ô combien difficile de la dépense intelligente. Je vous recommande à ce sujet la scène du couronnement ou l'assaut final du château de Zenda.

Un film qui frise la perfection...